France

Où trouver l’Europe centrale à Paris ?

Par Timothée Demeillers / Publié le 13.06.2015

Paris et l’Europe centrale partagent une longue histoire commune. La capitale française regorge d’adresses et de repaires polonais, tchèques, hongrois ou slovaques. Encore faut-il savoir où ils se nichent !

Concert au Paris-Prague Jazz Club

Une belle épicerie polonaise

Si vous bâtez le pavé, entre canal Saint-Martin, hôpital Saint-Louis et métro Goncourt, vous passerez peut-être, sans y prendre garde, devant une petite épicerie à la devanture anonyme que vous ignorerez surement, votre attention se concentrant plus vraisemblablement sur les foules branchées s’épanchant devant le bar à bière et le restaurant canadien de l’autre côté du trottoir. Pourtant, bien mal vous en prendrait puisque vous manqueriez une petite merveille de petite boutique, « La Petite Pologne » – 20, rue Jacques Louvel-Tessier – l’une des rares épiceries d’Europe centrale à Paris. La porte passée, vous vous retrouverez dans une minuscule oasis polonaise avec ses produits familiers, ses spécialités locales et ses grands classiques. Parfait pour les nostalgiques qu’ils soient Polonais en France ou Français rentrant de Pologne ! Et même pour les novices d’ailleurs, auxquels Isabella la gérante se fera un plaisir de faire découvrir les spécialités de son pays. Au rang des grands classiques les vodkas bien sûr, qu’elles soient aromatisées aux épices, au miel ou aux coings, mais aussi les illustres saucisses traditionnelles ou encore les produits purement polonais difficile à dénicher en France, le twaróg, fromage blanc local, les gros cornichons en pot, les conserves de choucroute bigos, les chocolats ou encore les classiques raviolis polonais, les pierogi préparés par la maitresse de maison, qu’il ne vous reste plus qu’à plonger dans l’eau bouillante !

Des pierogi au menu…

Mieux encore, si la flemme prend le dessus et que l’idée de mettre l’eau à bouillir ou le four à chauffer pour vos pierogi vous apparaît comme une montagne infranchissable, rendez-vous au coin de la rue, au restaurant MyPierogis – 139, avenue Parmentier – pour goûter à toutes les spécialités polonaises de Izabela et son mari. Dans un cadre chic et simple, vous pourrez goûter à tous les grands classiques de la cuisine polonaise ! En entrée les traditionnelles soupes polonaises : la barszcz à base de betterave ou encore la délicieuse żurek à base de farine de seigle fermenté, légumes et saucisse fumée. Les pierogi sont naturellement les grands classiques du menu, fourrés au pommes de terre et fromage blanc, au chou et champignons ou encore à la viande de bœuf, mais vous trouverez également des crêpes, de la choucroute ou encore quelques spécialités françaises au menu. Le tout bien entendu arrosé de bières polonaises et de la traditionnelle vodka !

… aux saveurs magyares !

Pour ceux que les senteurs de paprika raviraient, que les plats plus relevés et épicés attireraient, qui souhaiteraient diner au rythme des mélodies musicales tsiganes, rendez-vous à l’institution hongroise de Paris, au restaurant le Paprika – 208, avenue Trudaine. Derrière les noms mystérieux et imprononçables qui peuplent le menu se cachent pourtant certains des plus grands classiques de la cuisine magyare concoctés à la perfection : töltött káposzta du chou farci à la mode de Transylvanie ou encore le pörkölt une goulache, ragout de veau braisé au paprika. C’est une adresse d’autant plus appréciable qu’une semaine par mois, un groupe de musiciens tsiganes de Budapest vient égayer l’ambiance déjà chaleureuse de l’endroit, où les verres de tokaj, le délicieux vin hongrois, ou encore de sliva, l’eau de vie de prune, s’entrechoquent dans un joyeux désordre et jusqu’à tard dans la nuit.

Paris terre d’accueil des Polonais

Gastronomie mise de côté, Paris regorge d’adresses où la culture des pays d’Europe centrale est à l’honneur. Culture historique d’ailleurs, la capitale française ayant été pendant longtemps le refuge des intellectuels et opposants politiques de tous les pays d’Europe centrale. On pourra commencer cette longue liste avec l’écrivain polonais Adam Mickiewicz, exilé à Paris suite à l’insurrection de la Pologne contre la domination russe de 1830, qui contribuera quelques années plus tard à créer la Mission Catholique Polonaise à Paris. Le cœur spirituel de la Mission est situé dans l’église Notre-Dame de l’Assomption au 263 bis de la rue Saint-Honoré donné en 1844 à la communauté polonaise de Paris, et où les messes sont, jusqu’à aujourd’hui, toujours célébrées en polonais, tandis qu’un restaurant servait jusqu’à il y a peu, des pierogi et autres spécialités locales aux fidèles affamés dans la crypte de l’église !

Mais aussi des artistes de toute l’Europe centrale

Outre Mickiewicz, on compte de nombreux écrivains d’Europe centrale qui séjournèrent durablement ou s’installèrent dans la capitale française. Milan Kundera naturellement, le plus français des tchèques, qui émigra en 1975 à Rennes d’abord puis dans la capitale, Witold Gombrowicz qui s’installa à Paris en 1964, avant de préférer les charmes du haut pays niçois, l’Albanais Ismail Kadare réfugié politique en France en 1990, l’hilarant auteur et traducteur tchèque Patrik Ouředník installé depuis 1984 à Paris. Mais aussi des noms plus surprenant comme Apollinaire, un Polonais de Russie né sous le nom de Wilhelm Albert Włodzimierz Aleksander Apolinary Kostrowicki ou encore Romain Gary né Roman Kacew à Vilnius en 1914 et arrivé en France à l’âge de 14 ans. Cette forte présence des auteurs d’Europe centrale en France, explique certainement le succès que rencontre la littérature « de l’Est » en France. Quel plus bel exemple que la Librairie Polonaise de Paris, véritable institution implantée dans la capitale française depuis 1830, suite à l’important exil polonais consécutif à la répression de l’insurrection contre la Russie tsariste. Aujourd’hui campée au 123 du boulevard Saint-Germain, artère symbole de la scène littéraire parisienne, la librairie est tenue par les Éditions Noir sur Blanc, qui publient presque exclusivement de la littérature d’Europe centrale.

Le centre culturel tchèque, au cœur d’un lieu historique

Quelques rues plus loin, un autre magnifique bâtiment exsude d’histoire malgré son air relativement anonyme. C’est en effet ici, au 18 de la rue Bonaparte, qu’a été accueilli pendant la Première Guerre Mondiale le gouvernement en exil de la République tchécoslovaque et qu’en 1918, la Première République de Tchécoslovaquie fut annoncée par le futur Président Masaryk. Alors pas étonnant que s’y soit enraciné depuis 1997 le Centre Culturel Tchèque de Paris, confirmant la longue présence tchèque dans le quartier. Son directeur artistique, l’auteur franco-tchèque Jean-Gaspard Páleníček nous confirme le dynamisme du centre culturel :

« Le centre culturel tchèque présente la culture tchèque sous ses différentes facettes qu’il s’agisse de la musique, des Beaux-Arts ou de la littérature, tous les genres sont couverts. Le centre culturel tchèque organise entre 200 et 250 évènements par an ce qui en fait un centre culturel très actif à Paris. »

Jazz et évènements culturels

C’est également à la même adresse que se trouve l’un des clubs de jazz les plus surprenants de Paris, le Paris – Prague Jazz Club, situé dans les caves voutées du consulat tchèque de Paris. Rénové ces dernières années, il devrait rouvrir ses portes le 25 septembre 2015, avec une grande soirée prévue pour l’occasion.

D’ailleurs, les ponts entre le Centre tchèque et ses confrères d’Europe centrale ne sont pas rares, qu’il s’agisse de l’Institut Slovaque à Paris ou de l’Institut Balassi, le Centre Culturel Hongrois domicilié un peu plus haut dans la rue Bonaparte, au 92.

« Un bon exemple de ces partenariats a notamment été le Festival de Cinéma ‘À l’Est du Nouveau’, qui s’est déroulé en collaboration avec les centres polonais et slovaques ainsi que quelques ONG ukrainiennes. » poursuit Jean-Gaspard Páleníček.

Le Centre Tchèque a en effet proposé une rétrospective de ce sympathique festival lancé en 2002 à Rouen pour faire découvrir au public français les créations cinématographiques contemporaines des espaces de l’est européen.

Une boite de production très à l’est

Eux aussi se proposent de faire découvrir le cinéma de l’Europe centrale et pourtant rien ne prédisposait la boite de production Malavida à devenir le fer de lance des classiques de l’« Est » comme le confie son gérant Lionel Ithurralde :

« Tout a commencé en 2006 lorsque nous sommes tombés sur le classique polonais ‘Manuscrit trouvé à Saragosse’, qui nous a ouvert les portes sur le cinéma de ces pays-là des années 60-70. Tout est parti à la fois de notre volonté de faire découvrir la richesse de ce cinéma et du manque évident qu’il y avait en France avec ces classiques jamais édités en DVD après leur sortie en salle. L’Europe centrale c’était un peu un hasard… »

Aujourd’hui Malavida Films c’est à la fois une boite de production qui réédite de grands classiques du cinéma d’Europe centrale (mais pas que !), une chic boutique située au 6, rue Houdon dans le 18ème à Paris qui vend bien sûr les DVD réédités par la maison mais possède également une excellente filmothèque pour tous les amoureux du 7ème Art. Enfin Malavida c’est aussi un ciné club, le Cine Cubi Klub qui propose une projection mensuelle dans une sympathique ambiance.