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Reims, la cité sacrée

Par Elise Chevillard / Publié le 04.02.2020

Au départ de Paris, Reims se laisse facilement rejoindre pour une escapade d’une journée. Visiter Reims, c’est découvrir un pan important de l’histoire de France, une ville qui écrit dès le Ve siècle son destin de cité des sacres des rois de France. Depuis la Cathédrale jusqu’à la basilique Saint-Remi, en passant par le Palais du Tau, je vous emmène sur les traces des têtes couronnées.

Reims Cathédrale©Elise Chevillard

La Cathédrale Notre-Dame, trait d’union entre ciel et terre

Image indissociable de Reims, située en plein centre de la ville, la Cathédrale Notre-Dame de Reims est un joyau de l’Art Gothique, couronnée de deux tours élancées et ajourées. Sa majesté intrigue et sa grandeur fascine. Les lignes verticales de son architecture élèvent le regard vers les hauteurs. Érigée entre 1211 et 1516, l’édifice connaîtra plusieurs incendies et sera la cible de bombardements pendant la première guerre mondiale. Sa façade occidentale qui date du XIIIe siècle est ornée d’une rose, d’un bestiaire de gargouilles, d’une statuaire de plus de deux milles personnages dont le célèbre Ange au Sourire, des martyrs locaux, du Christ, de ses apôtres et des rois de France. L’architecture gothique continue d’illustrer son art à l’intérieur avec ses 38 mètres vertigineux de hauteur de nef. Percée de vitraux, la façade laisse passer la lumière qui entre et se décompose en taches de couleurs qui viennent se déposer sur le sol marbré. Sur les vitraux, il y a les bleus de l’artiste russe Marc Chagall, qui répondent aux couleurs chatoyantes d’Imi Knoebel mais aussi les formes abstraites de Brigitte Simon.

Cathédrale.Carmen Moya – OT Grand Reims

En mémoire du baptême de Clovis qui se déroula ici vers l’an 496 par Saint-Remi, l’usage s’instaure à partir du IXe d’y sacrer les rois de France (et non plus dans la ville où se trouvait la Cour). Par le sacre, le roi recevait ainsi les grâces nécessaires pour accomplir sa divine mission : gouverner, c’est servir. Le premier à être sacré est Louis le Pieux, suivi de 33 autres rois, excepté Henri IV qui fut sacré à Chartres et Louis XVIII. Depuis, le rituel a connu des évolutions, d’une simple onction sur le front du souverain, la cérémonie va se complexifier et durer jusqu’à 5 heures.

Louis_ix_sacre [Public domain], via Wikimedia Commons

Le sacre, un rite de passage royal

29 novembre 1226. Premier dimanche de l’Avent. Louis IX, le futur Saint Louis, âgé seulement de douze ans, va être sacré dans la cathédrale Notre-Dame en cours de construction. Le drapeau de la cité flotte, les cloches sonnent. Le roi et sa cour sont arrivés la veille depuis Soissons et sont hébergés au palais de l’archevêque (actuel Palais du Tau). Conduit en procession, le futur souverain entre dans la cathédral sous les cris d’allégresse de la foule qui déjà s’est massée sur le parvis. A l’intérieur, princes, comtes des provinces alentours, bannerets, grands officiers, et le clergé l’attendent. Une fois Louis IX installé, l’archevêque de Reims part accueillir la Sainte Ampoule conservée alors dans l’abbaye de Saint-Rémi. Selon la légende, Saint Remi aurait reçu d’une colombe, une fiole contenant une huile miraculeuse pour le baptême de Clovis. Utilisée pour le sacre, cette huile confère son caractère sacré au roi, elle est appliquée sur sa tête, ses épaules, sa poitrine…Ensuite, la main sur l’évangile, Louis IX prête serment au royaume. On lui remet l’épée et les éperons d’or et il devient ainsi le premier des chevaliers. Le chœur entame alors le chant des litanies des Saints. Le roi est ensuite revêtu des insignes royaux. Il est habillé d’une tunique et d’un manteau de fleur de lys. Symbole de l’union avec son peuple, il reçoit aussi l’anneau à l’annulaire de la main droite ainsi que le spectre, le bâton du berger pour conduire son peuple, la main de justice et la couronne resplendissante de rubis, de saphirs, d’émeraudes et de perles, que  l’archevêque pose sur sa tête. Le roi est ensuite installé sur un trône. Sous les voûtes de la cathédrale retentissent alors « Vive le roi, éternellement. » La messe s’achève. Les portes s’ouvrent et la foule acclame le nouveau roi. En procession, ce dernier se rend au palais du Tau pour festoyer.

Palais du Tau. Carmen Moya – OT Grand Reims

Le Palais du Tau, résidence archiépiscopale et royale

Jouxtant la cathédrale, le Palais du Tau est l’ancienne résidence de l’archevêque de Reims, mais aussi le lieu de séjour des rois de France et de sa suite durant toute la durée des festivités du sacre. Son plan en forme de T, lui confère son nom. Un Palais existait déjà à cet emplacement au temps de la ville antique. Reconstruit et complété d’une chapelle à la suite d’un incendie en 1210, il est remanié dans le style gothique flamboyant à la fin du XVe. Suite aux destructions de la grande guerre, il est restauré à la fin du XVIIe siècle et revêt son aspect classique. La visite permet donc de découvrir l’architecture intérieure du Palais, dévoile aussi les étapes de la cérémonie du couronnement royal et permet d’admirer les joyaux de la couronne.

Palais du Tau©Elise Chevillard

Sculptures, objets précieux liés au culte, tapisseries, costumes comme le manteau porté lors du sacre par le roi, ornements, pièces d’orfèvrerie… C’est toute la mémoire de la cathédrale qui est ici exposée. C’est aussi l’occasion de voir de plus prés les statues monumentales qui ornaient les façades originelles de la cathédrale. On passe aussi par l’antichambre où  le roi logeait lors de son sacre ainsi que la salle du festin où il se rendait après la cérémonie du sacre pour le banquet. Pendant le Moyen Âge, c’était une salle de réunion pour le clergé. A l’origine, la salle avait la forme d’un T, dévastée à cause de la grande guerre, au moment de sa restauration on choisit de lui redonner son aspect du XVe. Au temps des sacres, le roi prenait place assis à table sur une estrade, dos à la cheminée gothique de 1498, au milieu des douze pairs, à l’image du Christ pendant la Cène, et entouré d’invités soigneusement choisis par l’étiquette, des princes du sang, des ambassadeurs, des seigneurs, des grands officiers du royaume. Tendues au mur, de lourdes tapisseries illustrent l’histoire de Clovis, et la fleur de lys, symbole des rois, est présente elle aussi.

À partir de Louis XIII, les rois au lendemain du sacre, prirent l’habitude de se rendre de la cathédrale à Saint-Remi, affirmant ainsi leur rôle de défenseurs de l’église.

Basilique Saint Rémi de Reims©Elise Chevillard

L’héritage de Saint-Remi et sa basilique

Elle égale presque la cathédrale par sa taille, bien que moins impressionnante son rôle n’en fut pas moins important. Discrète, et un peu en retrait de la ville, se rendre dans la basilique Saint-Remi, c’est aussi l’occasion de parcourir les rues de Reims, sentir l’ambiance de ces villes de province où les magasins baissent leur store entre midi et deux. Tout autour de la basilique, un joli parc bien arboré où il est agréable de se promener. On découvre l’arrière de l’abbaye royale qui abrite aujourd’hui le musée archéologique de Reims.

Basilique Saint Rémi de Reims©Elise Chevillard

Construite à partir du XIe siècle pour abriter les reliques de la Sainte Ampoule mais aussi de Saint-Remi, l’évêque qui baptisa Clovis en 498, cette basilique romano-gothique est l’une des plus remarquables réalisations de l’art roman dans le Nord de la France. Sa sobriété est majestueuse et elle impressionne par sa profondeur et le sentiment d’intimité qu’elle procure, sûrement dû au fait qu’elle fut anciennement une abbatial pendant 1000 ans. Au centre du chœur, le tombeau de Saint-Remi, est devenu un lieu de culte et de pèlerinage encore aujourd’hui.