Le quartier de la Krutenau : l’esprit village de Strasbourg
C’est par un froid matin de novembre, alors que Noël et son marché pointaient le bout de leur nez, que nous sommes partis découvrir Strasbourg et plus précisément l’un de ses anciens quartiers ouvriers : La Krutenau. Du Quai des Bateliers aux Bains municipaux en passant par la rue Sainte-Madeleine, on croise ici plus de locaux que de touristes, et c’est tant mieux. Portrait de la « Krut’ » qui a gardé l’empreinte de son Histoire.
S’étirant le long de l’Ill, de l’autre côté du pont Saint-Guillaume, le quartier de la Krutenau est l’un des plus anciens quartiers de Strasbourg. C’est le quai des Bateliers qui marque l’entrée de la « Krut’ ». Une fois enfilés moufles et bonnet pour affronter le froid mordant de l’hiver, on opte pour une visite guidée avec un guide local ou bien avec son GPS, voir un plan, à l’ancienne.
Un quartier les pieds dans l’Ill
Il faut faire un bond de 200 ans dans le passé, mais aussi avoir pas mal d’imagination pour se représenter le quartier de la Krutenau. Le port de Strasbourg se trouvait alors sur l’Ill au niveau de l’ancienne douane. C’est donc par là que les marchandises arrivaient de toute l’Europe. Le quartier de la Krutenau fut d’abord habité par des jardiniers, des bateliers, des pécheurs, des maraîchers et des religieuses. L’eau y était omniprésente, les jardins et les terres agricoles aussi. Bien des noms de rues en conservent aujourd’hui le souvenir : quais des Bateliers et des Pêcheurs, impasse de l’Ancre, place du pont-aux-Chats, cours du Brochet, rue de la Tour des Pêcheurs, pour ne citer que celles-ci.
L’empreinte de l’histoire à chaque coin de rue
D’autres vestiges de l’époque des bateliers et des pêcheurs sont encore visibles, comme l’ancre qui coiffe le sommet du clocher de l’église Saint-Guillaume. Au 6 rue du renard prêchant, cette ancienne maison de batelier garde encore une clé de porte datée de 1760 avec l’emblème d’une ancre. Et sur la Place des Orphelins, le bandeau marque l’emplacement de l’ancien rempart du XIIIe siècle.
Mais revenons à l’Histoire. Au XIXe siècle, les gens de l’eau sont remplacés peu à peu par une nouvelle jungle urbaine. Prostitués et ouvriers employés, notamment à la Manufacture des tabacs -la seule à Strasbourg- s’installent alors dans le quartier. La Manufacture va produire des cigarettes et des cigares pendant plus d’un siècle et changera le visage du quartier.
Une nouvelle métamorphose
Dans le sillage de la manufacture, se sont installées d’autres usines, notamment les établissements Neunreiter qui vendaient de la verrerie et de la porcelaine. Dans les années 1970, la Krutenau est réhabilitée en profondeur. Les anciennes casernes se transforment en écoles et les habitations insalubres sont rénovées pour accueillir des logements pour les étudiants. Aux manufactures de tabacs et aux maisons de bateliers se sont substituées des adresses véganes et des boutiques branchées, mais aussi des bars, des restos dans l’air du temps ainsi qu’une auberge de jeunesse.
Loin d’être détruits, les bâtiments historiques du quartier sont réaménagés, à l’image des établissements Neunreiter, qui abritent depuis 1995 le CEAAC (Centre Européen d’Actions Artistiques Contemporaines) lieu d’exposition et de médiation culturelle consacré à l’art contemporain.
Côté culture, on trouve aussi le théâtre jeune public niché dans un bâtiment de style néo-classique. L’endroit fut un cinéma, une brasserie, un atelier de tricotage et de tailleur avant de devenir la grande scène du Théâtre Jeune Public où se déroule le célèbre festival des «Giboulées des Marionnettes ».
Amarrées le long du quai des Pécheurs, plusieurs péniches vous accueillent pour un thé ou une bière selon la saison, sur leur terrasse ou bien à l’intérieur. Lieu de promenade des Strasbourgeois, le quai des Bateliers, récemment rénové s’étend entre le quai des Pécheurs et le quai Saint-Nicolas. On slalome entre les nombreux vélos, les petites boutiques et les bonnes tables. De l’autre côté, la Grande Île et la cathédrale Notre-Dame se reflètent sur les eaux de l’Ill quand s’annonce le crépuscule. Cette promenade le long du quai vous mènera jusqu’à la petite France si vous avez un peu de temps devant vous.
Le charme désuet des Bains municipaux
Envie de piquer une tête aux Bains municipaux ? On vient se baigner ici depuis 1908 sous une voûte en béton armé. Cet établissement est l’héritier de la culture des bains qui se développa en Allemagne entre 1870 et 1900. Piscines, douches, sauna et bains romains son à retrouver dans un cadre au charme désuet. On trouve aussi dans le quartier de la Krutenau, le musée Zoologique issu de la collection d’histoire naturelle de Jean Hermann (1738-1800).
Où dormir dans le quartier de la Krutenau ?
A mi-chemin entre hôtel, auberge de jeunesse et maison d’hôtes, The People Hostel se niche dans une ancienne manufacture de Tabac réhabilité. En plus de proposer des grandes chambres privatives à un prix accessible, l’établissement accueille aussi les grands groupes d’amis dans des chambres partagées sans pour autant renoncer au confort et à votre intimité. Lieu d’hébergement, mais aussi de rencontre, The People Hostel propose un bar ouvert à tous pour se retrouver, des vélos sur place, et une programmation artistique presque tous les soirs… Le but de cette auberge ? Vous faire sentir comme chez vous, et c’est gagné !
Au cœur de la Krutenau, Fabienne et Claude vous accueillent dans leur maison de famille baptisée La Célestine, dans laquelle ils ont aménagé 5 chambres d’hôtes. Chacune raconte les différentes périodes qui ont marqué la vie du quartier, des bateliers à la manufacture de tabacs. Chaque journée commence par un petit-déjeuner gourmand et…alsacien !
Carnet pratique
Au Bistrot du quai (11 Quai des Pêcheurs): ici, pas de plat signature, mais une cuisine du marché suggérée par le rythme des saisons et des producteurs qui explore plus que la cuisine alsacienne. On notera les bons conseils du personnel aux petits oignons qui prend son temps pour vous conseiller sur le choix des vins. Difficile de se restreindre à une seule bouteille !
Aux Trois Chevaliers (3 Quai des Bateliers) : située dans une ancienne maison alsacienne, cette enseigne authentique propose des spécialités régionales. On y mange un cordon-bleu au Munster dans un cadre cosy, aux poutres apparentes et aux murs de glaces.
Mama Bubbele (2 Quai des Bateliers) : des flamenkuches qui se mangent brûlantes avec les doigts, et qui se commandent par deux, tradition oblige, bienvenue chez Mama Bubbele. La sacro-sainte tarte flambée est ici croustillante et archi fine. C’est le spot idéal pour un déjeuner sur le pouce entre deux rendez-vous. Laissez-vous tenter au dessert par une flamenkuche au chocolat.
Bazart (9 Rue du Renard-Prêchant): des cocottes et des plats à partager, c’est la philosophie de ce restaurant qui propose des plats avec des produits issus de l’agriculture biologique dans une veine bistronomique. Ambiance grande tablée ici.
La planque (22b Rue des Balayeurs): dans ce nouveau lieu hybride, on y mange des planquettes (planches) selon l’inspiration du jour, que l’on fait glisser avec une pinte de bière alsacienne, ou un verre de vin nature. Des animations rythment quotidiennement le lieu.
L’ours Mal Léché (62 Rte de Mittelhausbergen) : envie d’une petite mousse pour votre apéro de ce soir ? Passer la porte de l’ours Mal Léché, c’est pénétrer dans un champ de houblon alsacien, humer les arômes de malt et d’orge. Oubliez la Heineken ou la 1664, ici place à la bière, la vraie, l’artisanale en fût ou en bouteille. Dans cette cave bien achalandée, on ne compte pas moins de 400 références.
Au fil du vin libre (26 Quai des Bateliers): c‘est le passage incontournable pour les curieux et amateurs de vins naturels qui veulent retrouver les vins découverts au restaurant Au bistrot du quai. Chez ce caviste pas comme les autres, les vins sont vivants et natures. On y trouve 800 références d’ici et d’ailleurs.
Le Générateur (8 rue Sainte-Madeleine) : une boutique de créateurs, à la fois associative et collaborative qui met en lumière l’art et l’artisanat de la région Grand Est. Bijoux, lampes, céramiques, pins, tote-bags, objets insolites, broderie, créations textiles, illustrations…Les grandes marques côtoient des signatures plus confidentielles.
La tâche noire (1 Rue de Zurich) : spécialisée dans les polars, la librairie La Tache Noire compte pas moins de 4000 références de polars et de romans noirs (mais pas que) dans ses rayons. On vient aussi ici prendre un petit café ou s’installer avec un thé et un bon bouquin.
Blue Moon (24 rue des poules) : lieu incontournable pour les étudiants, les amoureux de la Krutenau mais aussi les amateurs de sport (en raison de son rétroprojecteur qui diffuse les événements sportifs), Blue Moon propose plusieurs bières pression ainsi qu’une sélection pointue de vins, de gin, de vodka et autres cocktails signature.