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Paris à l’heure nippone : Où trouver le Japon dans la capitale ?

Par Elise Chevillard / Publié le 13.11.2018

Jusqu’au mois de février 2019, un vent nippon souffle sur Paris. Le temps d’une saison, la Ville lumière entre en résonance avec ce lointain pays du Soleil-Levant. L’événement Japonismes 2018, célèbre 160 ans de relations diplomatiques entre la France et le Japon, autour d’une programmation culturelle qui explore aussi bien la musique, la danse traditionnelle, que la gastronomie, l’art de vivre, en passant par le cinéma et la peinture, et même l’éclairage de la tour Eiffel aux couleurs du Japon.

La Tour Eiffel aux couleurs du Japon à l’occasion de Japonismes 2018. (c) Motoko Ishii Lighting Design & I.C.O.N.

Pour vous mettre à l’heure japonaise tout en restant à Paris, AlloVoyages dresse ici une liste des lieux les plus nippons de la capitale. Cette semaine, on commence par une balade dans des jardins zen pour un moment suspendu, sans oublier l’architecture japonisante qui se cache ici-là dans Paris et un passage obligé mais apprécié dans les musées dédiés à l’art asiatique pour admirer les collections japonaises.

Les Japonais à Paris

Beaucoup de choses les opposent, mais entre la culture française et japonaise, une fascination mutuelle s’opère depuis bien longtemps.  Le premier contact entre les deux pays remonte à la seconde partie du XIXe siècle. Ce qu’on appela le Japonisme, fut une mode, un phénomène culturel qui influença les musiciens de l’époque et les peintres comme Debussy, Monet, Degas ou encore Van Gogh, qui puisèrent leur inspiration dans les estampes japonaises.

Dans les années soixante, avec l’ouverture du pays vers l’extérieur, ils sont de nombreux Japonais à venir s’installer dans la capitale. Ce sont d’abord des touristes, des hommes d’affaires, des étudiants, qui viennent pour des séjours courts puis ensuite des couples mixtes qui s’installent durablement. Les premiers commerces choisissent de s’implanter dans le quartier de l’Opéra, près des grandes attractions touristiques. Ce sont dans un premier temps des agences de voyage, des compagnies aériennes, des hôtels, rapidement suivis par les premiers restaurants  pour cette clientèle de passage. Au fil des années, d’autres commerces (épiceries, librairies, coiffeurs…) viennent densifier la petite communauté. La rue Sainte Anne et ses alentours devient ainsi l’épicentre de la culture nippone, désormais surnommée  Little Tokyo.

(c) Gaëlle Cloarec / Façade de la MCJP

(c) Gaëlle Cloarec / Façade de la MCJP

La Maison de la Culture du  Japon

Son architecture n’a rien de japonisante, mais son âme y est toute consacrée. La Maison de la Culture du Japon est un lieu emblématique de la culture nippone à Paris.  Ce grand bâtiment achevé en 1997, aux larges bais vitrées s’ouvrant sur la tour Eiffel, et de  11 étages dont 6 sont apparents, est l’œuvre de l’architecte britannique Kenneth Amstrong et du Japonais Masayuki Yamanaka. Ce lieu a pour mission de développer les échanges culturels internationaux, autour de trois piliers : les arts, la langue japonaise et les échanges intellectuels. Toute la culture japonaise y est ici représentée, dans sa forme traditionnelle ou contemporaine, et se découvre par une pléiade de cours comme des initiations à la cal­li­gra­phie, à l’ike­bana (art floral), à l’art du pliage (origami), mais aussi à l’art culinaire, aux arts martiaux, au manga, ou encore à la découverte de la langue japonaise.

(c)DR Cérémonie du thé à la Maison de la Culture du Japon.

(c)DR Cérémonie du thé à la Maison de la Culture du Japon.

L’apprentissage de la cérémonie du thé y est également délivré au cinquième étage, et permet de découvrir toute la délicatesse de cet art dans un pavillon de thé traditionnel en bois. Ce dernier a été construit et aménagé par l’école de thé Urasenke dans la plus pure tradition japonaise, avec des tatamis et des fusumas (cloisons mobiles tendues de papiers épais). Dans les étages inférieurs, une bibliothèque accueille 15.000 ouvrages en japonais et français, ainsi qu’une vidéothèque de 800 cassettes. Au rez-de chaussée, on trouve un hall d’exposition, une boutique, et un espace pour se restaurer. Des projections, des conférences y sont régulièrement organisées. La Maison est l’endroit idéal pour récolter des informations  sur tous les événements liés au Japon d’une façon où d’une autre qui se déroulent à Paris.

Cerisier en fleurs dans la région de Kyoto (c)Elise Chevillard

Cerisier en fleurs dans la région de Kyoto (c)Elise Chevillard

Jardins japonais et havres de paix

Elle ne dure que quelques jours et débute fin mars au Japon, la floraison éphémère des cerisiers appelée aussi Sakura  donne lieu a de grandes et belles manifestations colorées. Dans les parcs et un peu partout en ville, les cerisiers se parent de délicates fleurs blanches, qui déclinent pour certaines espèces, des nuances de rose. Les Japonais et Japonaises ont revêtu leurs plus beaux kimonos et ont tendu des nappes sur les pelouses recouvertes de pétales de fleurs pour manger, boire et festoyer. Cette grande manifestation répond au doux nom de Hanami. A Paris, on peut aller contempler les cerisiers en fleurs au Parc de Sceaux, qui chaque année organise des festivités autour de la floraison sur deux jours. Mais aussi  à la Maison du Japon située dans la Cité Universitaire, au Parc Javel André Citroën, ou bien encore dans le jardin japonais secret de l’Unesco.

Jardin de l'Unesco(c)Elise Chevillard

Jardin de l’Unesco(c)Elise Chevillard

Crée en 1957 par le sculpteur Isamu Noguchi, ce jardin de la paix de 1700 m2 est conçu à la manière traditionnelle japonaise tout en intégrant des éléments modernes et des œuvres contemporaines. Actuellement, seuls les employés de l’Unesco peuvent profiter de ce précieux écrin situé au cœur de Paris. Ici, l’artiste n’a pas cherché à dissimuler les axes de promenade comme il est coutume dans les jardins japonais, mais offre tout au regard des visiteurs.

Le jardin se compose de deux parties. Un patio supérieur surplombe l’espace dans son ensemble. Le visiteur est sur une estrade comme au théâtre, mais la scène qui se joue est en contrebas. Derrière lui, des tables et des chaises accueillent la cérémonie du thé. Sur une pierre de  8 tonnes sculptée par Noguchi avec l’idéogramme  «paix», l’eau glisse en cascade. L’eau, qui ici prend tout son sens, métaphore de l’incarnation et fil conducteur du jardin, elle est à la fois vivante, bruyante, calme et douce. Après avoir traversé les dalles flottantes, le visiteur suit la cascade et passe sur la scène végétale située en contrebas, là ou l’eau se jette dans un bassin en forme de cœur humain. On retrouve le traditionnel pont japonais qui sert de trait d’union entre les deux parties du jardin. Tout ici est symbolique, l’emplacement des pierres, leur signification, tout vient du Japon, jusqu’aux roches et aux arbres.

Jardin japonais Albert_Kahn (c)Elise Chevillard

Jardin japonais Albert_Kahn (c)Elise Chevillard

La quiétude du lieu nous ferait presque oublier que nous sommes aux portes de Paris, à Boulogne-Billancourt. Conçu par le paysagiste Fumiaki Takano, le jardin japonais du musée Albert-Kahn porte le nom de celui qui est à l’origine du projet. Albert Kahn, né en 1860 et mort en 1940 est un curieux personnage plein de contrastes, et aux multiples facettes. Banquier de profession, mais aussi philanthrope, grand humaniste et voyageur qui fit venir ici de nombreuses délégations étrangères, il a crée un jardin « mappemonde » représentant  différents pays.

Amoureux du Japon, Albert Khan a imaginé ce jardin dans le respect de la plus pure tradition et de la pensée zen japonaise. La promenade est ici rythmée par le seul murmure de l’eau et le ballet floral des végétaux. Les éléments minéraux tels que la roche, le sable et le gravier figurent l’élément aquatique. Le petit pont rouge qui s’élance au dessus du bassin rempli de carpes nippones de la même couleur, nous transporte directement au pays du Soleil-Levant. On y admire la montagne d’azalées, la rivière de pierres rondes et on se promène parmi les cerisiers, les bambous importés du Japon, les pommiers , les pruniers et les érables qui s’enflamment quand l’automne arrive.

Maison du Japon à la Cité universitaire(c)Evan Bench, flikr

Maison du Japon à la Cité Universitaire(c)Evan Bench, Flikr

Architecture japonisante

En plein cœur de la Cité Internationale Universitaire, la Maison du Japon surgit entre la Fondation Suisse, le Collège d’Espagne, la Fondation Danoise et la Maison des Étudiants Suédois. Calme et sérénité caractérisent ce bâtiment à l’architecture raffinée. La première pierre a été posée en 1927 par le beau-frère de l’Empereur Hirohito, le Prince Ri. A l’origine, les 60 chambres étaient destinées en majorité à des étudiants japonais méritants. L’édifice tout en hauteur s’inspire des constructions nippones, et on y entre par un joli porche décoré d’un panneau de bois sculpté représentant un soleil levant.

A l’intérieur, le grand salon s’ouvre par des baies coulissantes à la manière des maisons traditionnelles du Japon. Comme  le hall, il a été décoré de deux peintures murales signées du célèbre peintre Foujita. A l’extérieur, on aperçoit une lanterne japonaise. On en trouve également éparpillées un peu partout dans Paris, à l’ombre d’un arbre, au coin d’une rue ou dans un jardin  comme celui Albert-Khan. D’autres surgissent en pleine ville, lui apportant une touche d’exotisme. Parfois même, on passe devant sans les voir comme la lanterne du quai de Grenelle, offerte par Tokyo à Paris en 1982 pour symboliser l’amitié entre les deux villes.

La Pagode (c)Mon Œil, Flikr

La Pagode (c)Mon Œil, Flikr

Actuellement fermée, en pleine rénovation, La Pagode annonce discrètement sa présence par les quelques bambous qui dépassent de sa grille. Sa façade décorée de céramiques, de dessins en pâte de verre et de calligraphies japonaises surprend les curieux. Dans le quartier de Sèvres-Babylone, La Pagode est un véritable ovni avec son architecture japonisante aux allures de temple parmi les édifices haussmanniens. Elle cache même un joli jardin à l’orientale. Pour la petite histoire, il s’agirait d’un cadeau offert par le directeur du Bon Marché, François-Émile Morin, à son épouse qui adorait la culture nippone. Elle fut construite en 1895 par l’architecte Alexandre Marcel qui fit même venir directement du Japon certains éléments du bâtiment comme les fresques ou les tentures. Devenue aujourd’hui un cinéma d’art et d’essai indépendant, classé monument historique, elle fut d’abord une salle de bal. C’est là que furent projetées les premières œuvres de Luis Buñuel, Jean Renoir et, plus tard, Jean Cocteau. Dans une de ses salles, le plafond est orné de boiseries et de gravures acheminées spécialement du Japon.

Autre monument, malheureusement lui aussi fermé au public, la maison de Kiso, est une ancienne maison de paysans du XIXe siècle et originaire de la province de Nagano, au centre du Japon. Construite sur le modèle classique des habitations rurales et selon des techniques ancestrales, avec des piliers de bois posés à égale distance sur des blocs de pierre taillées et reliés par des parois de bois, cette minka est installée au Jardin d’Acclimatation du bois de Boulogne depuis 2001, après avoir été restaurée par l’architecte Makoto Furihata.

Stéphane Ruchaud/ MNAAG/ Droits réservés

Stéphane Ruchaud/ MNAAG/ Droits réservés

Collections japonaises et galeries

Le musée national des arts asiatiques ou musée Guimet, n’est pas entièrement  consacré au pays du Soleil-Levant, mais à l’ensemble des pays d’Extrême-Orient. On peut tout de même admirer  11 000 œuvres japonaises, datant de la naissance de l’art japonais jusqu’à l’avènement de l’ère Meiji (1868). Estampes, sculptures, peintures sur soie, céramiques (grès et porcelaines),  laques, paravents du XVIe au XIXe siècle…. évoquent la diversité des arts appliqués japonais. Le fonds de la bibliothèque n’est pas en reste avec 20.000 ouvrages consultables par les chercheurs et étudiants. Et surprise, le musée abrite un petit jardin secret, le panthéon bouddhique, situé dans l’hôtel  d’Heidelbach, où l’on pourra assister, si l’on est chanceux, au gracieux rituel de la cérémonie du thé.

Buddha Amida (c)Musée Cernuschi

Buddha Amida (c)Musée Cernuschi

Situé en bordure du parc Monceau dans un bel hôtel particulier, le musée Cernuschi, musée des arts de l’Asie, présente une collection japonaise de plus de 3600 oeuvres dont environ 2000 bronzes et 1600 céramiques qui relèvent principalement de la période d’Edo (1605-1867). Cet ensemble fut réuni, pour l’essentiel, au cours du voyage en Asie qu’Henri Cernuschi effectua de 1871 à  1872. On peut aussi admirer des objets remarquables, tels la hallebarde (dōka) d’époque et les fragments de paravent d’Ogata Kenzan (1663-1743) – éminent représentant du courant décoratif Rinpa – offerts en 1959 par le peintre Umehara Ryūzaburō. La statue d’Amitābha trônant au centre de la grande salle du premier étage, reste encore aujourd’hui l’emblème du musée.

A Paris, on trouve également quelques galeries dédiées à l’art japonais. La Galerie Haysaki est spécialisée dans les arts japonais et contemporains, et met en avant le travail de jeunes artistes dans des domaines artistiques divers, tels que la peinture figurative, la sculpture, la photographie. Tanakaya, est une autre galerie spécialisée dans les estampes japonaises. Dans la Galerie Nakaniwa, vous aurez l’occasion de découvrir des objets uniques, comme les théières de Tokonamé, les couteaux Morimoto, ainsi que les boîtes en bois de cèdre d’Akita. Derrière Saint-Germain-des-Prés, se cache la galerie de Takeaki, qui se consacre  à la céramique japonaise, l’une des formes d’art les plus anciennes du Japon. Pour finir, l’espace Densan propose régulièrement des expositions consacrées à la promotion de l’artisanat traditionnel japonais.

Dans deux prochains articles, nous partirons à la découverte de la gastronomie japonaise et des nombreux restaurants, épiceries et salons de thé de la capitale,puis de l’art de vivre à la japonaise.