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24 heures à Mahon ( Minorque-Baléares)

Par Elise Chevillard / Publié le 11.06.2019

Perchée sur la rive escarpée d’une baie, Mahon (Maó en catalan) contemple son Port, le plus grand Port naturel de la Méditerranée. Située sur la côte Est de l’île, cette ville, devenue la capitale de Minorque en 1722, fut de tout temps sous domination étrangère, très souvent convoitée.

Vue sur la vieille ville et le port. ©EliseChevillard

Vue sur la vieille ville et le Port. ©EliseChevillard

Depuis l’antiquité, Minorque fut convoitée par plusieurs puissances européennes qui voyaient dans cette île un point stratégique pour le contrôle politique et commercial de la Méditerranée. Au XVIIIe siècle, à l’issue de la guerre de Succession au trône d’Espagne, l’île passe aux mains des Anglais. Pendant près de cent ans, cette présence sera entrecoupée de courtes périodes de domination française et espagnole. En 1802, Minorque revient définitivement à la couronne espagnole. Sa capitale Mahon, garde en mémoire chacun de ces passages.

Sur le bateau Yellow Catamarans à la découverte du Port©EliseChevillard

Sur le bateau Yellow Catamarans à la découverte du Port©EliseChevillard

10h- On part découvrir Mahon depuis son Port

Âme vivante de la ville, le Port de Mahon est une échancrure de cinq kilomètres dans le littoral, considéré comme le Port naturel le plus long de Méditerranée et le deuxième Port le plus profond du monde. Il est si large (jusqu’à 1200 mètres) qu’il abrite des criques et des îlots, et si profond (jusqu’à 30 mètres) que les bateaux de croisière peuvent y passer la nuit ou juste le traverser. Plusieurs compagnies proposent de le découvrir pendant une traversée d’une heure, dont les Yellow Catamarans.

Alors que le bateau s’éloigne de son point d’attache, il longe les quais et les cafés qui s’étirent le long de l’immense estuaire. Le bateau zigzague entre les parcs à huîtres. La traversée est accompagnée de commentaires historiques en plusieurs langues. Le Port de Mahon, fut dans le temps, une grande base navale britannique. Sur ses berges, on peut encore observer de beaux exemples d’architecture anglaise, des villas mais aussi des constructions défensives. Tout au long du voyage, c’est aussi l’occasion de découvrir des recoins moins connus, presque secrets, comme  le petit »Cementeri dels anglesos », où reposent de nombreux soldats américains et britanniques. Après avoir franchi la Illa del Rei, et les restes d’un grand hôpital militaire, on peut apercevoir l’île du Lazareto, utilisée à l´époque comme hôpital de quarantaine qui accueillait les voyageurs et marchandises, susceptibles d’être porteurs de la peste ou d’une maladie tropicale.

Sur le bateau Yellow Catamarans à la découverte du Port©EliseChevillard

Sur le bateau Yellow Catamarans à la découverte du Port©EliseChevillard

Une fois sorti du Port, le bateau passe devant les charmantes anses de Cales Fonts, jusqu’à arriver à l’embouchure. À droite, on passe devant les restes du Castell de Sant Felip, détruit par les Espagnols quand ils reprirent l’île. Ce château reste le témoin le plus important de plus de deux siècles d’histoire mouvementée. De l’autre côté, s’élevant sur une petite colline, l’impressionnante forteresse de Mola est l’un des joyaux du patrimoine historico-militaire inaugurée par Isabel II en 1850, afin de protéger l’entrée du Port. Elle deviendra  par la suite une prison militaire.

La fin de l’échancrure sonne la fin du voyage, car au-delà c’est la pleine mer. On peut, si on le souhaite, descendre à l’étage inférieur du bateau pour observer derrière les vitres la vie sous-marine. Le  bateau fait demi-tour et la ville se dévoile, accrochée au balcon du Port, et d’où émergent les trois tours de ses églises.

14h-  On file manger à l’heure espagnole

Sur la place del Carme qui offre un joli point de vue sur Mahon, se trouve le cloître du même nom, qui après avoir abrité une prison s’est transformé en marché au rez-de-chaussée. Si ce n’est plus l’heure, tous les jours, des stands de charcuteries et de fromagers vous donneront un aperçu de toute la richesse culinaire de l’île. Les légumes abondants jouent un rôle important dans la cuisine, comme l’aubergine, les tomates et les poivrons. On consomme aussi beaucoup d’agneau élevé ici. Côté charcuterie, la sobresada est un mélange parfait entre la couleur rouge du chorizo et la texture du pâté. On le retrouve souvent sous forme de croquetas. En dessert, la star c’est le fromage et pas n’importe lequel. On le reconnaît à sa forme carrée aux bords arrondis, le Mahon-Menorca AOP est issu du lait de vache. Quand il est fabriqué de façon artisanale et au lait cru,  l’empreinte laissée sur la croûte par les plis de la toile de coton qui le recouvre, est un gage d’authenticité.

ODT Minorque

ODT Minorque

Passez la belle porte en fer forgé du marché aux poissons, situé en contrebas de la place. On peut s’installer sur les tables au soleil pour observer la vie des Mahones ou bien manger une tapas sur le pouce au comptoir. De chaque côté, les pécheurs vendent leurs poissons du jour. La tradition ancienne de pèche a influencé la cuisine locale  et quelques-uns des plats les plus typiques de l’île sont donc essentiellement à base de produits de la mer, comme la « caldereta de langosta » ou potage de langoustes, inventée par des pécheurs. Le nom vient du récipient où se prépare la soupe. Pour la petite histoire, c’est le client qui choisit sa langouste encore vivante qui sera ensuite préparée.

La cuisine minorcaine transmise oralement de génération en génération, garde encore aussi la trace de la domination française au XVIIIeme siècle.  L’histoire conserve ainsi celle de la mayonnaise, qui aurait été inventée pour masquer le goût prononcé du poisson servie au Duc de Richelieu dans une auberge, alors qu’il se trouvait sur l’île en 1756. Ce dernier séduit, rapporta en France la recette de cette sauce salutaire, devenue  » mayonnaise  » en l’honneur de la ville Mahon.

Le cloître du musée de Minorque©EliseChevillard

Le cloître du musée de Minorque©EliseChevillard

15h- On devient incollable sur l’histoire de Minorque 

Sur les hauteurs de la ville, l’ancien couvent franciscain de style baroque (XVIIe-XVIIIe siècles) n’héberge plus des religieux mais depuis 2018, une collections de cartographies, de fossiles, de céramiques ainsi que des peintures. Le musée de Minorque s’organise autour d’un cloître (qui accueille des expositions temporaires) et trois étages. On le sait, la situation géographique privilégiée de l’île et son Port, ont suscité l’intérêt de nombreux peuples, civilisations et grandes puissances mondiales. Tous, ont laissé des traces dans l’histoire et les coutumes de Minorque et ont forgé l’identité si singulière de l’île.  Le visiteur traverse chronologiquement les époques et les vestiges laissés par les différents peuples, depuis les premiers habitants de l’île et jusqu’au XXe siècle, en passant par la préhistoire, le monde chrétien et islamique, l’arrivée des Romains et le Moyen Âge. Les nombreux objets archéologiques nous permettent d’appréhender les rituels qui existaient autour de la mort.

Ce musée se veut accessible à tous, aussi bien aux personnes à mobilité réduite qu’aux enfants qui peuvent tout au long de la visite, résoudre des énigmes, ouvrir des casiers didactiques pour manipuler entre autres des reproductions d’objets.

Intérieur du musée©EliseChevillard

Intérieur du musée©EliseChevillard

Autre musée plus petit mais qui a aussi son importance dans le paysage culturel mahonnais, le centre d’Art et d’histoire Hernandez Sanz expose ici les collections et les œuvres d’arts de cet artiste et intellectuel. En plus des collections ( meubles, cartes, objets minorquins et gravures d’artistes contemporains)  qu’il abrite, on peut ainsi découvrir l’intérieur d’une maison de maître construite au début du XIXe siècle. Cette dernière appartenait  à l’une des principales familles de Mahon. Le lieu se distingue aussi par les peintures de ses plafonds, réalisées par des artistes italiens de l’époque.

Vue depuis le port pour remonter vers la vieille ville

Vue depuis le port pour remonter vers la vieille ville

18h- On se perd avec plaisir dans les ruelles de la vieille ville

Ne dit pas souvent que le meilleur moyen de visiter une ville, c’est de s’y perdre ? A mesure que le soleil décline, la pierre prend ici une teinte plus osée et les façades deviennent alors rouges et ocre. Ramassée sur un promontoire, la vieille ville de Mahon  conserve un parfum du XVIIIe siècle et recèle de superbes points de vue sur le Port. Ses maisons blanches à flancs de colline donnent l’impression de pouvoir pécher depuis les fenêtres. On s’enfonce dans ses rues étroites, où parfois des troués donnent sur le Port que l’on peut rejoindre par une volée d’escaliers. Les maisons sont basses et laissent entrevoir le ciel, immense et bleu. Demeures bourgeoises et palais historiques ornent cette cité colorée. La rue Isabel II compte le plus grand nombre de maisons de maîtres construites à Mahon durant le XVIIIe siècle. Les petites placettes succèdent à des places plus grandes :  Bastio ;  Explanada; del Carme; Colón ; Sant Francesc ; Conquesta et Miranda. Les fenêtres à guillotine et les loquets de porte à l’anglaise témoignent de la présence britannique, qui en fit sa capitale administrative.

©EliseChevillard

©EliseChevillard

Surmontée d’un clocher élégant, l’église de Santa María, de style gothique, fut construite au XIIIe siècle et restaurée cinq siècles plus tard. L’intérieur abrite un orgue datant du XIXe siècle avec une qualité sonore remarquable. Jouxtant l’église, se dresse la mairie de style Renaissance qui arbore une façade surmontée d’une horloge. Le pont de Sant Roc est l’unique vestige des anciennes murailles médiévales de la ville. On peut redescendre vers le Port par la Costa de Ses Voltes, construite dans les années 1950 en remplacement des anciennes rampes de la marine. Cette allée sinueuse qui relie la ville au Port est bordée de jardins, de jolies maisons et de palmiers.

Sur le port, la distillerie ©EliseChevillard

Sur le port, la distillerie Xoriguer ©EliseChevillard

19h- On s’enivre des vapeurs de gin

Le gin est aux Minorquins ce que le vin est aux Français. Pour tout savoir sur sa fabrication, rendez-vous sur le Port, pour visiter la distillerie Xoriguer. Ici, le gin est encore élaboré selon une méthode traditionnelle, à base d’alcool de vin, de baies de génévrier et d’herbes aromatiques ajoutées dans le plus grand des secrets derrière des portes fermées. Les alambics de cuivre sont d’époque, alimenté par un feu de bois et refroidi avec de l’eau de mer. Une fois la distillation complète, le gin repose dans de larges fûts de chêne, dans lesquels il gardera sa couleur et sou goût. Chaque jour, 3000 litres sont produits dans cette distillerie où il est aussi possible aussi de faire des achats.

L’histoire du gin n’est pourtant pas espagnole mais anglaise. Elle remonte au temps de la domination britannique. A cette époque, débarquaient à Minorque des milliers de marins et de soldats anglais en garnison dans l’île, qui passaient leurs heures libres à demander la boisson en vogue de l’époque: le gin, incitant ainsi les maîtres artisans minorquins à en fabriquer. En 1750 Miguel Pons Justo, le fondateur de la mythique distillerie minorquine commence à commercialiser la marque Xoriguer, le nom de l’ancien moulin de cette entreprise familiale. Si certains ingrédients ne sont pas d’ici, comme les baies de génévrier qui viennent des Pyrénées catalanes, le savoir-faire, lui, s’est acquis sur ces terres.

ODT Minorque

ODT Minorque

Dans le passé, la bouteille de gin se présentait en céramique, avec une anse pour permettre aux marins de boire à pleine bouche. Si pour les puristes, le gin se déguste seul, il est aussi habituel de le retrouver mélanger avec de la limonade, donnant lieu à la célèbre « pomada, servie très frais, mais aussi avec du sirop d’orange, de la crème de cacao ou encore de la liqueur de  café.

20h- On profite de la vie nocturne

Pour déguster justement un verre de gin, rendez-vous dans les nombreux bars du centre-ville de Mahon ou bien le long de la Moll de Ponent, en face du terminal de ferry, un lieu très animé à la nuit tombée. Pour la petite histoire, chaque minorquin qui ouvre un bar, se doit d’avoir avant même le lieu, sa bouteille de gin, preuve irréfutable de la qualité de l’établissement. Institution des nuits minorquines, le Akelarre est un bar animé qui se transforme en discothèque à mesure que l’île s’enfonce dans la nuit. Citons aussi, Es Claustre Terrassa  situé dans le centre de Marché du Sénat, le Nou Bar;  et dans le port au Paput, le Baixamar, un bar mythique depuis des décennies.

Une petite faim ? Les restaurants ne manquent pas, que ce soit le long du Port ou dans le centre. Sur la Plaza Espanya, El Mirador jouit d’un joli point de vue, idéal pour déguster des tapas. Dans une petite rue tranquille du centre, Ses Forquilles vous propose un menu composé d’une dizaine de plats qui varient en fonction des saisons et du marché. Citons aussi  Sa Taverna d’es Port pour ses tapas locales.

Si vous cherchez un hôtel bien situé en plein centre, le Jume hotel vous propose des chambres simples et confortables. Un petit-déjeuner buffet vous est proposé chaque matin.

Un grand merci à l’Office Espagnol du Tourisme et à La Fundació Foment del Turisme de Menorca.