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« Pierre Gianadda », une fondation exceptionnelle en Suisse

Par Charlotte de Saintignon / Publié le 20.01.2015

Espace culturel et site d’expositions d’exception, « la Fondation Pierre Gianadda » à Martigny en Suisse s’impose comme un site d’expositions de notoriété internationale.

A Martigny, en Suisse, à 40km de Chamonix par le col des Montets, la haute vallée du Rhône qui traverse le Valais d’Est en Ouest se libère de ses gorges profondes. Comme un signal soulignant que le lieu est méritoire, le Rhône y vire à 45°pour piquer au Nord. L’arrêt « Martigny », capitale artistique du Valais, s’impose en ce coude du Rhône, au croisement des axes routiers du Grand-Saint-Bernard et du Simplon, non seulement pour la ville elle-même qui le mérite, mais tout autant, sinon plus, par la présence d’un espace culturel et pluridisciplinaire de notoriété internationale « la Fondation Pierre Gianadda », ouverte en 1978. La surprise est totale car imprévue dans cette ville cerclée de montagnes. La Fondation, ouverte à plusieurs disciplines, présente annuellement une pluralité d’événements car elle possède des collections privées et constitue un magnifique site d’expositions accessible au public. Elle est tout simplement un lieu où l’amour de l’art et du beau l’emportent. Construite au-dessus d’un temple romain, elle comporte un musée gallo-romain, un musée de l’automobile, une collection de plusieurs dizaines de sculptures contemporaines que l’on découvre au milieu des jardins ombragés du Musée. Ajoutons les « must » annuels que constituent les trois ou quatre expositions temporaires, les événements musicaux, concerts, récitals renommés, et autres séductions du lieu ! Si les abords de l’énorme bâtiment de la Fondation semblent austères, on est aussitôt saisi par l’immensité de l’espace intérieur, sa luminosité et les harmonieuses justesses des intensités d’éclairage selon les œuvres exposées aux différents niveaux du pourtour et du centre. L’espace central est soit occupé par l’exposition en cours, soit consacré aux concerts et événements lyriques donnés annuellement. On n’étonnera personne en constatant, que depuis son ouverture, la Fondation a accueilli quelque dix millions de visiteurs…

La « merveilleuse », la Fondation Pierre Gianadda

Depuis plusieurs décennies, force est de reconnaître que les lauriers, la renommée, l’éclat de la ville relève pour une grande part de l’existence de la « Fondation », incarnée par un grand bâtiment, aveugle, en béton et posé au-dessus d’un ancien temple celte. Elle accueille, au milieu d’un vaste parc, « musées, espaces d’expositions, de concerts et autres évènements culturels ». C’est peu après le décès tragique de son frère, Pierre, dans un accident d’avion, que Léonard décide, pour perpétuer son souvenir, de créer une fondation. Il entreprend alors de faire construire un centre culturel qui porte le nom de son frère, Pierre, sur et autour d’un temple antique dont il avait découvert les vestiges en 1976. Priorité aux Anciens oblige, quelques mots sur le « Musée gallo-romain » qui mérite d’être vu. Les principales trouvailles archéologiques ont été faites à Martigny. La Fondation étant sur le parcours de la promenade archéologique, ce musée y trouve une place naturelle. La collection se compose de monnaies, stèles, fibules, bijoux, pots, gobelets, céramiques, armes et offrandes. Elle comprend aussi la célèbre « tête de taureau tricorne en bronze » découverte en 1883, une réplique de la Venus de Cnide de Praxitèle, un Apollon, des pièces du Trésor de la Délèze…, toutes pièces ou œuvres de haute qualité.

Les expositions présentées sont d’une rare diversité. Elles comprennent les expositions permanentes : « Le Musée Gallo-romain », « Léonard de Vinci,-l’inventeur », « La collection Louis et Evelyn Franck », en sous-sol qui présente en permanence des œuvres de Cézanne, Ensor, Lautrec, Picasso, Van Dongen et Van Gogh, « Le Musée de l’Automobile » et, en plein air, « Le Parc de sculptures ».

« Léonard de Vinci, l’Inventeur» est une exposition présentée annuellement au Vieil Arsenal de la Fondation de mars à octobre. Elle nous révèle bien souvent un Léonard inconnu, d’une imagination sans limite et toujours en éveil. Plus d’une centaine de fac-similés et maquettes exploitent les richesses de ses carnets et nous montrent tout autant le peintre, le sculpteur, mais aussi l’architecte, l’ingénieur civil et militaire, le théoricien de la mécanique hydraulique, l’urbaniste… De nombreux modèles réalisés fidèlement d’après ses croquis et complétés de bornes interactives guident et commentent l’exposition de celui qui était « comme un homme réveillé trop tôt dans l’obscurité alors que tous les autres étaient endormis » comme l’écrivit Sigmund Freud.

Le plus beau musée de l’automobile suisse

Autre musée, autre thématique, « moderne » cette fois qui peut sembler incongrue en un tel lieu, « l’automobile » ! Le bâtiment de la Fondation, qui connut des agrandissements souterrains aménagés, accueille une éblouissante collection d’automobiles anciennes qui constitue le plus beau musée de l’automobile suisse. Là, faste et stupéfaction devant la beauté vraie de quelques cinquante somptueux véhicules, des années 1897 à 1939… Chacun souhaiterait caresser ces voitures étincelantes, prendre le volant, parader dans ces belles limousines ou les décapotables, se griser de vitesse, cheveux au vent… oublier le présent… La collection, qui réunit de nombreux modèles uniques au monde, va d’une Benz (1897) la Stanley à vapeur, à la De Dion-Bouton, la Delaunay-Belleville du tzar Nicolas II, la Rolls-Royce « Silver-Ghost », à la Bugatti « Petite Royale », l’Alfa-Romeo 1750 cc, l’Hispano-Suisa, la Mercedes-Benz SS, l’Isotta-Fraschini… Ajoutez une magnifique collection de voitures de fabrication suisse… Précisons aux « fans » d’automobiles anciennes que tous ces véhicules sont en parfait état de marche et prêts à démarrer au quart de tour…! Un vrai rêve éveillé qui passionne, au masculin comme au féminin, tout le monde, des adultes aux enfants…

Des expos temporaires riches et variées

Parallèlement, des expositions temporaires et concerts jalonnent l’année. Des « must » que chacune d’entre elles, au nombre de deux, trois, voire six par an… Ces expositions ne se racontent pas, elles méritent d’être vues, elles ont chacune leur « personnalité ».Chacune vit du regard du visiteur. Elle dialogue, émeut, se savoure, régale ou non mais ne laisse jamais indifférent. Sa magie et ses mystères portent aux rêves ou éloignent, interpellent ou inspirent… D’une grande variété, les œuvres d’art présentées proviennent de collections privées parfois rarement dévoilées, ou publiques des grands musés du monde. Les thématiques sont très ouvertes, une œuvre d’un artiste, une période, un style, une rétrospective, un thème, une collection… Citons en désordre et pour exemple« Modigliani et l’Ecole de Paris », en collaboration avec le Centre Georges Pompidou ; « Les Trésors du Monastère Ste Catherine » ; « Les Icônes russes » ; « Les Saints » avec la Galerie Trétiakov, Moscou ; « Les Trésors du Musée de Sao Paulo ; « Les Chefs d’œuvres de la peinture européenne » du Metropolitan Museum of Art de New-York ; « De Courbet à Picasso » du Musée Pouchkine , Moscou ; « Les Chefs d’œuvres de la Phillips Collection », Washington ; « La beauté du corps dans l’Antiquité Grecque » du British Museum ; « de Picasso à Barcelo-Les artistes espagnols » par Maria Antonia de Castro…. Conduites par les meilleurs spécialistes, les rétrospectives sont de vrais élans artistiques et culturels. Au fil des ans, elles ont notamment porté sur Miro, Dufy, Larionov, de Staël, Balthus, Picasso, Degas, Signac, Van Dongen, Bonnard, Kandinsky, Braque, Chagall, Matisse, Modigliani, Dubuffet, Moore, Delvaux, Lautrec, Klimt, Giacometti, Schiele, Klee, Poliakoff, Hodler, Cézanne, Van Gogh, Renoir… et tant d’autres, toujours accompagnés d’excellentes publications.

Autre source de prestige pour la Fondation, les merveilleux événements musicaux qui interviennent chaque année et se situent au « top niveau ».La saison musicale avec ses concerts, opéras et ballets accueille des artistes et interprètes de renommée internationale, de la cantatrice Cecilia Bartoli au chanteur d’opéra Ruggero Raimondi, de Barenboïm à Brendel, de Menuhim, à Rostoprovitch, de Stern à Zukerman, etc pour des concerts mensuels qui connaissent tous un très grand succès.

On ne saurait quitter la Fondation sans une paisible promenade dans ses jardins, dans « le parc des sculptures », bel espace de silence qui, au milieu de ses arbres aux essences multiples, des ombrages, de ses plans d’eau et buissons permet d’apprécier tout à la fois l’art d’inscrire une œuvre dans un espace naturel et de faire, au fil du parcours, la découverte de l’un des ensembles de sculptures les plus importants d’Europe avec ce « musée plein air » qui réunit des dizaines d’ œuvres des plus grands sculpteurs : Arman, Arp, Brancusi, Calder, Chagall, Dubuffet, de Kooning, Laurens, Moore, Maillol, Miro, Richier, Szafran,Tapies, Venet…

Martigny, capitale artistique

Petit retour sur la ville qui accueille la Fondation. Si la « culture » n’est pas une tâche prioritaire dans la Confédération Helvétique, le pays, loin d’être dépourvu d’institutions, de manifestations, de lieux de culture, d’événements, de moyens de diffusion… dispose de moyens considérables et d’un encouragement fédéral et privé très concret. L’Office Fédéral de la culture (OFC) qui relève du Département fédéral de l’Intérieur, quant à lui, fixe les conditions générales de l’activité de création culturelle, les actions de formation, les activités et projets d’intérêt national… Ainsi, fidèle au principe de subsidiarité, la Suisse s’en remet essentiellement à chacun des 26 cantons que compte le pays. Ceux-ci rivalisent d’initiatives, d’encouragements, de soutien et de promotion de la « culture ». Dans le Valais, 3e canton par sa taille et le plus montagneux, Martigny fait noble figure tant par son passé que par son présent. La ville s’affirme non seulement « ville de culture » mais se veut reconnue comme capitale artistique du Valais.

Version « passé » et vestiges de l’époque gallo-romaine

Martigny entre dans l’Histoire en hiver 57-56 av. J.C. : Jules César, dans la Guerre des Gaules, décrit la bataille dont le bourg gaulois qu’il nomme Octodurus fut le théâtre et opposa une légion et les habitants de la région. Durant des siècles, cette terre fut « de passage, de migration ». Elle vit défiler envahisseurs, armées, caravanes de marchands, migrants… Ce passé et ses ruines pèsent de leur charme sur Martigny. Ils ont laissé leurs traces avec de nombreux sites et vestiges de l’époque gallo-romaine et mérite une intéressante promenade archéologique. Le parcours, de la borne militaire, derrière l’Eglise paroissiale, à l’amphithéâtre de 5 000 places, passe par la Fondation. Autre promenade autour de la Dranse, celle des vestiges paléochrétiens puis des siècles médiévaux avec le pont couvert, détruit puis reconstruit…, la chapelle qui date du début du XIIe siècle et le château de la Bâtiaz, forteresse du XIIIe siècle qui offre une vue panoramique sur ville et montagnes.

Version « présent », station de ski d’altitude

Indépendamment du quotidien que constituent skieurs, montagnards et randonneurs qui s’élancent vers les monts et leurs prestigieuses stations d’altitude, Martigny est d’une fière vitalité : inscrite dans son écrin grandiose de montagnes, certes parfois sévères mais tout autant douces à vivre, la ville invite à toutes les balades et découvertes des multiples curiosités qu’offre « l’art dans la ville », des ateliers d’artistes et fondations aux monuments et aux superbes sculptures, dont nombre d’entre elles ont été offertes à la ville par Pierre ou Annette Gianadda, qui jalonnent les places et méritent toutes un arrêt admiratif… Sans compter les attractions culturelles que constituent le Musée des Chiens du Saint-Bernard ou le Musée des Sciences de la Terre qui présente notamment de magnifiques pierres des Alpes.