Etats-Unis

Promenade dans l’est new-yorkais

Par Marie Fouquet / Publié le 11.08.2016

Le New York des artistes et des nouvelles tendances, ce n’est plus uniquement Manhattan. New York aujourd’hui, c’est une surface étendue au delà de l’East River. Nous nous sommes arrêtés dans trois de ces quartiers anciennement industriels et aujourd’hui animés par un bouillonnement culturel contagieux.

Coucher de soleil à Bushwick (© Becky Stern via Flickr)

Après les sites portuaires, ce sont les sites d’activités économiques les plus importants de New York qui ont été déplacés au XXème siècle, laissant place à une vaste étendue d’usines, de machines, de ferrailles et autres cheminées vacantes, sans fumée, sans hommes et sans bruit. Or ce sont précisément ces quartiers aux allures de déserts urbains – comme on en voit encore autour de Grand Street, avec ses goudrons troués et ses tôles rouillées -, qui ont progressivement connu une seconde vie grâce à de nouvelles dynamiques. Les espaces investis par les créateurs et collectifs d’artistes se trouvent désormais derrière le Brooklyn Bridge, notamment dans le Queens avec Long Island City, dans le centre de Brooklyn avec Williamsburg, mais aussi dans le sud, avec le quartier de Red Hook. Marquée par une histoire industrielle et des activités économiques, portuaires et commerciales qui lui ont conféré une place de choix dans l’organisation internationale du XIXème et XXème siècle, New York est passée de la qualification coloniale de « porte du Nouveau Monde » à celle d’ « arche de la Nouvelle puissance » dans les années 1960-1970. Symbole du cosmopolitisme et du capitalisme, de l’American dream et d’une énergie inépuisable, New York regorge d’autant de buildings en son sein que d’espaces consacrés à la création artistique en ses contours, laissant place à de nouvelles pratiques urbaines aux ambitions tout aussi haut perchées.

Long Island city : métamorphose institutionnelle

Dans les années 1970-1980, Long Island city était un des « lieux-refuges » des artistes. S’il y a trois ans, le célèbre 5 Pointz – un grand bâtiment abandonné recouvert de graffitis par des artistes venus des quatre coins du monde -, a été détruit et remplacé par un immeuble d’habitations, c’est dans ce même quartier que l’on retrouve P.S.1 Contemporary Art Center, annexe officielle du MoMA depuis l’an 2000, et qui a été initié comme un laboratoire de créations par l’artiste Alanna Heiss. Situé en face de Roosevelt Island, le musée de Noguchi est un autre emblème de cette appropriation, entre art et design, entre considérations esthétiques et fins pratiques. Le sculpteur américano-japonais Isamu Noguchi a ouvert son musée en 1985, après avoir transformé une industrie de photogravure en atelier d’artiste, au sein duquel il a construit un jardin extérieur animé par ses sculptures, et où règne une atmosphère zen propre à la culture nippone. L’espace, divisé entre un « dedans » et un « dehors » augmenté par le Socrate Park qui se situe à quelques mètres au bord de l’East River, présente un fort contraste avec le quartier dans lequel il baigne : une ancienne zone entièrement consacrée aux activités industrielles et qui en porte encore les traces architecturales.

Bushwick: appendice en bonne santé

Bushwick est la continuité d’un quartier que l’on ne présente plus, Williamsburg, connu pour être le berceau des « hipsters ». Ici demeure encore une certaine mixité sociale, au cœur d’une population latino qui tend elle aussi à se déplacer vers l’est, conséquence du prix des loyers qui a considérablement augmenté en quelques années seulement. Placé «de l’autre côté » du Brooklyn Bridge, il a été conquis par une jeunesse en quête de conditions de vie abordables et d’espaces de créations, entre les murs d’anciennes industries, source d’une esthétique imprégnée dans les univers qui s’y créent – et dont le symbole correspond à la devise DIY (« Do it yourself »*). Autrefois malfamé et qualifié de « dangereux », il est, une dizaine d’années après, le repère idéal des artistes et jeunes actifs au fait de la création contemporaine. Galeries d’art, friperies, ateliers, salles de concerts attirent aujourd’hui de plus en plus de mondes dont celui que l’on retrouve dans les soirées new yorkaises les plus cotés, drainant une « starification » du quartier à mesure que de grandes célébrités y prennent leurs habitudes.

Red Hook : tranquillité océanique

Bien plus au sud dans Brooklyn, se trouve le quartier de Red Hook. Même décor : des blocks constitués d’anciennes usines aux briques souvent rouges. Mais le cadre est véritablement au bord de l’eau et ses quais réaménagés de façon à accueillir les amateurs des « couchers de soleil sur statue de la liberté », en leur soufflant l’image d’une vague d’Hokusai dans un graffiti à l’entrée d’une parcelle. Les touristes ne s’y font pas encore très nombreux (l’accès n’y est pas facile en transports en commun, mieux vaut avoir une voiture pour s’y déplacer), mais les activités n’y manquent pas et ne cessent de croître, bien au contraire. Aussi curieux que cela puisse paraître, c’est après l’installation d’un IKEA dans le quartier qu’il est devenu plus fréquenté. Il a aussi été victime de l’ouragan Sandy en 2012, dont il s’est bien remis après de lourds désastres, notamment sanitaires. On y trouve Pioneer Works, un superbe centre d’art qui ouvre ses portes au public presque quotidiennement, laissant voir expositions, concerts, et entrer dans les studios des artistes en résidence et dans le grand jardin à l’extérieur. Une autre galerie tenue par des français un peu plus loin à Bergen, Invisible Dog, propose plusieurs expositions par mois ou d’autres, plus longues, des artistes en résidence. Le quartier connait d’ailleurs beaucoup d’expatriés français, ce qui donne une ambiance parfaitement représentée par le café « Bar Tabac » et sa terrasse en bois.