Magazine

Lisbonne, en mode art contemporain

Par Arnaud Idelon / Publié le 18.12.2017

Cité d’art et d’histoire, Lisbonne est marquée par un riche patrimoine (architectural, artistique…) et un folklore aux milles facettes : l’incontournable Fado tout d’abord, qui fait vibrer le méandre de ruelles de l’Alfama à la nuit tombée, la gastronomie et l’art de vivre dehors, d’habiter les rues et de souffler une âme séculaire à chaque fin de journée. Lisbonne est une petite merveille bordée par l’Atlantique dont on vous propose de découvrir la face B.

Tranvía 553, en Rua da Conceição, Lisboa, ©Arnaud Idelon

Ces images qui portent la renommée de la ville et son imaginaire bercé de joies fugaces, de dolce vita baignée du local saudade (entendez nostalgie) ne doivent pas faire oublier le présent d’une ville en pleine mutation. Lisbonne se réinvente chaque jour et dont le moindre interstice urbain devient le prétexte à la naissance de tiers-lieux, ateliers d’artistes et friches qui dessinent une cartographie alternative de la scène culturelle lisboète, portant à bout de bras les avant-gardes d’un renouveau de l’art contemporain. Pas étonnant que la foire Madrilène ARCO ait passé le pas en 2015 en prenant ses quartiers à Lisbonne, pour en faire l’épicentre éphémère du marché de l’art et donner à la cité des airs de Berlin océanique.

Des institutions phares, socle de la renaissance culturelle Lisboète

Le renouveau artistique de Lisbonne peut prendre appui sur un dense paysage institutionnel ne se bornant pas à l’art moderne avec en fer de lance le MUDE qui programme à chaque saison des expositions ambitieuses au carrefour de l’art, du design et de la mode. L’hyperactif musée est rejoint en 2015 par le MAAT et ses façades industrielles rouge brique faisant face au Tage et dont les impressionnants volumes de cette ancienne centrale thermoélectrique sont dédiés aux interrelations fécondes entre art, architecture et nouvelles technologies au travers d’expositions de beau calibre (comme la très remarquée « Pynchon Park » de Dominique Gonzalez-Foerster).

©MAAT, Lisboa,

Les rues de Lisbonne, palimpsestes de l’art urbain

Mais c’est sans doute hors-les-murs que prend source ce second souffle créatif avec une ville devenant peu-à-peu le musée à ciel ouvert des formes les plus contemporaines de l’art urbain. Sous l’impulsion d’une municipalité incitative ayant rapidement cerné les enjeux touristique du street art, graffeurs du monde entier investissent façades vétustes, trains, ponts et escaliers de Lisbonne, dessinant un paysage urbain en constante métamorphose, bariolé et vivifiant. La ville devient peu-à-peu une place forte de la scène street art mondiale, attire de nombreuses références du circuit et trouve dans la Galeria de Arte Urbana, sa solide programmation et ses parutions attendues, un relais de choix dans la diffusion de l’art urbain. On vous recommande le très punk, et un brin dérangé court métrage du collectif milanais Cane Morto tourné en 2014 à Lisbonne mettant à jour les tensions esthétiques d’un art oscillant entre clandestinité et institutionnalisation croissante, pour préparer vos excursions.

Une ribambelle d’insolentes galeries qui font bouger les lignes

Signe qu’il se passe quelque chose de singulier à Lisbonne, une série de jeunes galeries sans complexe poussent ça et là. Ces nouvelles venues présentent de manière indifférenciée grosses pointures de l’art contemporain, artistes émergents de la scène internationale et valorisation du paysage local. Parmi elles, l’incontournable Monumental, la très prisée Cristina Guerra nichée entre Santos et Alcantara ou encore la galerie Filomena Soares prenant ses quartiers dans d’anciens entrepôts des docks, du côté de Porta del Sol. Mais les nouveaux venus dont il faudra retenir le nom, tant par l’audace de leurs propositions que la perpétuelle volonté de surprendre sont 3+1 de la Bairro Alto, Alecrim 50 à proximité de la gare Cais do Sobre et la galerie Pedro Cera sur les hauteurs de Santos.

LX Factory, ©r2hox, Flickr.

Friches industrielles, réemploi urbain et renouveau artistique

Au-delà du circuit classique des musées, centres d’art et galeries, c’est par les tiers-lieux qui prennent possession d’un paysage urbain en mutation (transition économique et aménagements colossaux oblige) que Lisbonne surprend son monde ! Le passé industriel et artisanal de la ville (et notamment les kilomètres d’entrepôts des docks) sont à mesure réinvestis par des initiatives collectives d’artistes et d’associations élisant domicile dans ces interstices en les changeant en ateliers, salles d’expositions, librairies alternatives et accessoirement décors de free party endiablées. La tête d’affiche de ce line up : l’immense friche LX Factory dans le quartier d’Alcantara qui abrite dans d’anciens entrepôts : des galeries, ateliers, librairies, tatoueurs et start up créatives ainsi qu’une tripotée de bars et restaurants depuis 2008. Les murs de brique de l’enceinte sont bardés de créations de street artists, dont le renommé Vils. Ce dernier, qui s’est fait connaître par des fresques monumentales de visages dessinés à la masse et au marteau-piqueur a fondé l’Underdogs dans le quartier de Bravo de Prata. Lieu hybride que gèrent l’artiste et son épouse, l’Underdogs navigue entre espace d’exposition, maison d’édition underground et propose des visites guidées orientées street art. Non loin de là, un ancien complexe militaire est devenu l’épicentre de la culture alternative – et festive ! – lisboète : la Fabrica Braço de Prata.

Autant d’adresses, confidentielles ou déjà mainstream, qui font d’une virée à Lisbonne l’occasion toute désignée d’une immersion dans une scène artistique jeune, espiègle et hyperactive entre circuits reconnus de l’art contemporain et ovnis créatifs d’une ville qui ne finit pas de surprendre.